Par Laurent CHATEAU
Pour aller à l’essentiel, le point est d’essence Yang et le trait est d’essence Yin. Explications.
Le point renvoie au centre, à l’écoute, à la préservation et à l’épanouissement de soi. Force centripète et principe masculin, les femmes ne reprochent-t-elles pas souvent aux hommes leur égoïsme ;-) A l’image du photon, le point se rapproche de la lumière. Support d'autorité en grammaire, il renvoie tour à tour à l'affirmation (le point d’exclamation), à l'information (le point final) ou au questionnement (le point d'interrogation). De périmètre infiniment petit et quasiment sans masse, il se rapproche du vide et du Ciel Yang, à ce qui n’est pas, au sans forme et au trou noir cosmique. Le point renvoie au non-espace/temps. Seul et sans référentiel, le point ne sait pas s’il se déplace ou pas, si le temps défile ou pas.
Par complément, on peut voir le trait comme un agent de liaison Yin et de Terre entre 2 points, entre 2 mots, un pont jeté entre 2 berges. Le trait n’existe que par ses extrémités et sa capacité à faire se rejoindre ce qui est éloigné. Le trait renvoie ainsi à l’autre ou à ce qui n’est pas soi, à un principe féminin de relation et d’engendrement, multiple et infini. C’est le monde de l’espace et du temps, du vieillissement et du trait de la vie.
On a ici du mal à ne pas penser au livre d’Arthur Koestler : « Le zéro et l’infini ». Le "point" porte la puissance Yang du Ciel et du vertical, le "trait" celle du Yin de la Terre et de l’horizontal.
Allons plus loin. En reprenant notre dichotomie, représentons le Yin-Yang non plus par des traits pleins ou brisés comme dans la tradition mais par un "trait" Yin et par un "point" Yang. Ainsi le Yin-Yang deviendrait :
En retenant cette représentation, si l'on reprend le célèbre modèle des 5 éléments (que l'on préfère appeler les 5 énergies), on obtient 5 pôles points-Yang et 10 liaisons traits-Yin. Il est troublant de constater que si l'on enlève un point Yang, le nombre de liaison Yin diminue beaucoup plus rapidement (et réciproquement si on ajoute un point Yang puisque la création/disparition des liaisons Yin est combinatoire). On observe également que la parfaite égalité Yin/Yang est obtenue en présence de 3 points-Yang et de 3 liaisons Yin. Dans cette spéculation géométrique, il est également intéressant d'observer qu'avec 2 points-Yang, il n'existe plus qu'une seule liaison Yin et que la polarité l'emporte à compter de ce stade. Lorsqu'il n'existe plus de liaison du tout, ne subsiste qu'un point. On rejoint alors le sans forme et le Ciel Yang. Tout cela reste cohérent. Ce faisant, on illustre le fait que la multiplicité fait gagner le Yin et la Terre, l'absence d'interaction, le silence et l'immobilité font rejoindre le Yang et le Ciel.
Allons plus loin encore et ajoutons une 2è dimension, celle de l’espace et des volumes. En effet et c’est ici que tout bascule, le point peut être vu comme un trait vu de profil, un trait peut de la même manière être ramené à un point si on l'observe sous le bon angle. Ainsi, un trait est un point horizontal. Un point est un trait vertical. Le Yin-Yang n’est qu’un effet d’optique.
C’est ainsi que si l’on se déplace d’un quart de tour autour de notre Yin-Yang, vers la gauche ou vers la droite, on inverse le signe
qui devient alors celui-ci :
Comme par magie, le Yin-Yang est devenu Yang-Yin. On découvre ici que le Yin-Yang et le Yang-Yin sont la même représentation vue sous un autre angle ou simplement décalée dans le temps. On retrouve ici toute la symbolique du TaiJi Tu :
On récupère de la même manière la tradition d'Hermès Trimégiste ou taoïste pour qui, ce qui est en haut est à l'image de ce qui est en bas.
Mais allons encore plus loin et décidons de nous déplacer, non plus sur le plan horizontal mais sur le plan vertical. Si l'on devait observer le Yin-Yang (ou le Yang-Yin) depuis le ciel, que découvririons-nous ?
Une croix ! Cette croix nous aide à prendre conscience que la religion chrétienne porte en elle la représentation "Horizontal/Vertical" (on le savait) mais également celle du Yin-Yang, fondement même de la création.
Dans les faits, ce n'est pas tant la croix qui est importante que le "point" de fusion entre les deux traits. Certaines traditions ésotériques ont mis l'amour à cette intersection (Rose-Croix...). A la croisée de notre humanité, l'amour devient un "point" de fusion verticale et un "trait" de relations horizontales.
Outre que cette croix porte l'alignement (vu du dessus) des 64 hexagrammes impermanents du Yi Jing, elle représente l'idéogramme du nombre "10" qui signifie dans la sagesse des nombres chinois, la totalité des enseignements appris durant le cycle des 9 chiffres précédents. Le "9" représente le livre des événements et des formes, le "10" la somme des enseignements des formes (pensées, paroles, actions...) que contient le livre. Il est un principe de totalité et de fusion, de retour au Ciel et à l'origine.
Ainsi, le Yin-Yang céleste (ou le Yang-Yin terrestre) porte-t-il la symbolique du "10", la parfaite fusion entre la Terre et le Ciel, le mélange sublime de la perfection et de la complétude, du zéro et de l’infini.
On retrouve le "10" dans le nombre des "traits" et des liaisons autour des 5 éléments terrestres (Bois, Feu, Terre, Métal et Eau), le 5 représentant la Terre, l’incarnation et la vie d’ici-bas.
Si les points deviennent aisément des "traits" (et les "traits" des "points") et que l'on ajoute la quatrième dimension du temps, 10 faisceaux partent alors de la Terre vers le Ciel (les 10 troncs célestes de la tradition).
Vus du Ciel, par le haut ou par le bas, ils finissent par fusionner en spirale dans un faisceau de lumière pour devenir... une étoile inversée.
A se souvenir que chaque humain porte en lui le zéro et l'infini, les 5 éléments terrestres ainsi que les 10 troncs célestes, il est raisonnable de penser que rien n'est perdu pour l'espèce humaine :-).