Présidentielles 2022 : en route vers l'auto-présidence !

A quelque 2 mois de la Présidentielle française, sans doute est-il temps de poser un diagnostic sur le paysage politique actuel et d'y apporter un regard quelque peu taoïste et librement inspiré.

· Société

Par Laurent CHATEAU

Le prochain Président (il ou elle) de la République devra être un mosaïste. Jamais le pays France n'a été aussi fracturée qu'aujourd'hui et s'il a perdu de son éclat, c'est qu'ils se comptent par milliers. La chose est désormais convenue et l'atomisation de la communauté nationale inspire désormais les humoristes.

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A la recherche de l'unité perdue et en ratissant le plus large possible, les grands partis cherchent la martingale qui permettra l'élection ou le renouvellement du mandat. La Gauche a opté pour l'environnement, le social et l'ouverture des frontières. Macron et Pécresse pour le marché, le travail et l'Europe, les souverainistes Zemmouriens et du Rassemblement National pour la nation et l'identité.

Dans tous les cas, l'autorité et la fermeté sont partout. A vouloir assembler les morceaux et recréer un semblant d'unité collective, la colle doit nécessairement être forte pour faire adhérer des matériaux composites et incompatibles par nature : le sable et le bois, le métal et la brique, le verre et les clous, la pression à exercer doit être puissante pour faire entrer le triangle, le cercle ou le carré dans l'hexagone.

Les temps sont ainsi à l'incantation péremptoire, à l'imprécation, à la discrimination et à la mise à l'index de ceux qui ne jouent pas le jeu... de l'écologie, des vaccins, de la flexibilité du travail, de la modernité, de l'Europe, de la créolisation, de la cause animale, du véganisme, de la France... Le temps est à la séparation et aucun projet ne créé de réel consensus, une envie d'avancer et de grandir ensemble.

Concentrés dans les mains de quelques uns, les politiques et les médias sont désavoués et plus de 80% des citoyens en éprouvent du dégoût, terme apparu dans les sondages d'opinion il y a quelques années. Les cloisons de notre maison commune tombent les unes après les autres : la vie démocratique avec son record d'abstention, la justice (le "mur des cons"..), les institutions (le Conseil d’État ou Constitutionnel qui se renie sur la loi vaccinale/sanitaire à quelques mois d'intervalle, le défenseur des droits ou la CNIL qui ne sont pas écoutés), la communauté scientifique (scandale du Lancet sur l'hydroxychloroquine, interdiction de prescription des médecins généralistes, mise sous surveillance de l'Ordre des Médecins...), l'hôpital en crise, le scandale des EHPAD et de la gestion de la fin de vie, la pédophilie dans l'église, l'islam et sa radicalité, l'école ou la recherche dans son incapacité à créer du savoir utile et à se classer dignement dans les évaluations internationales (Timss, QS World Ranking, PISA...), la sexualité ou la famille (LGTBQ+, transgenres, gender fluidity, multi-amour, PMA, GPA...), la culture elle-même avec la montée en puissance des mouvements "Woke", de la "Cancel culture" ou de l'écriture inclusive. La notion même de progrès est aujourd'hui remise en question (transhumanisme) et se trouve désormais remplacé par le terme d'"innovation", jugé moins anxiogène par les communicants patentés.

Dans ce champ de ruines, percuté depuis des dizaines d'années par les obus des minorités agissantes et de la passivité a-visionnaire des politiques, le citoyen a fait place au militant. Hors sa communauté de croyance, point de salut, le pouvoir s'est cristallisé au sein de chacune de ces micro-sociétés codifiées.

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La problématique à résoudre

C'est ainsi que la problématique politique du moment pourrait se formuler de la manière suivante : "Comment donner vie et envie à des communautés hétérogènes et souvent en opposition, de se retrouver autour d'une gouvernance, d'un programme et d'un destin communs ? On a vu que la Gauche misait sur l'environnement et le social sans frontières, Macron et Pécresse sur le marché, la création de richesse et l'Europe, la droite souverainiste sur la nation et l'identité (culture, intérêts économiques et géopolitiques...). Le trait commun à tous ces courants politiques repose sur la fermeté et l'autorité, la contrainte, le recours à la loi et aux "forces de l'ordre" qui ont remplacé dans les termes, nos bons vieux "gardiens de la paix", signe des temps. Les mentons se redressent partout et de mauvaises images en noir et blanc remontent à la surface.

Quelle que soit sa nature, l'inconvénient avec l’autorité c’est qu’on sait où elle commence mais pas où elle finit. S'il est un relatif consensus de l'opinion publique pour dire que l'autorité doit être rétablie dans les quartiers sensibles pour prévenir la délinquance, il est prévisible que la culture de la fermeté se répandra dans l'ensemble des autres compartiments de la cité (nouveaux radars et répression routière, nouvelles amendes en cas de dérive comportementale sous toutes ses formes, nouvelles obligations ou interdictions, arrivée du score social, surveillance accrue des citoyens au nom du besoin de sécurité facilitée par la digitalisation, à commencer par le dossier médical numérique à venir ou la carte d'identité biométrique...). S'il démarre dans un souffle, le bruit des bottes finit souvent dans le hurlement de ceux qui se trouvent dessous. Elle crée par ailleurs un sentiment de toute puissance et d'impunité de classe, pour celui qui tient la matraque ou le Q/R Code et qui génère la tentation de faire reculer les libertés individuelles au nom du bien commun. Il est bon ici de rappeler que si la "Liberté" est le premier mot de notre belle devise républicaine, c'est parce qu'il conditionne les deux autres. Le droit a été malmené durant ces 2 dernières années et de nombreuses digues juridiques ont sauté au nom de l'"état d'urgence", savamment entretenu (contrairement à d'autres pays) par le pouvoir politique. L'autorisation a fait partout place à l'autoritarisme en oubliant la racine "auto" qui appelle au contraire, à l'autonomisation du plus grand nombre.

Dans les faits, déconsidéré, le pouvoir politique central est cependant fragile car le pouvoir véritable se trouve ailleurs, au sein de chaque communauté et micro-société constituée (militants politiques, culturels, sanitaires, religieux, associatifs...). Dans ce monde archipélisé, on pourrait dire pour faire court que le pouvoir est partout et l'autorité nulle part. La motivation de la Police elle même à faire appliquer les lois sanitaires n'est pas solide car elle est traversée par les mêmes doutes que le reste de la population. De nombreux pompiers ont contesté les obligations vaccinales, près de 20 000 soignants ont démissionné, le ministère de la Défense a publié une note interne précisant que les gendarmes ne devaient pas librement s'exprimer sur la politique sanitaire en vigueur. La main du pouvoir tremble et ses pieds sont d'argile, à l'image du Canada où le 1er Ministre Justin Trudeau a dû s'exprimer depuis un lieu caché le 30 janvier dernier, dans le silence étourdissant des médias. A l'heure où s'écrivent ces lignes, les "convois de la liberté" marchent sur les capitales canadiennes, belges, françaises ou néo-zélandaises. La pression inflationniste va renforcer encore davantage le risque de soulèvement populaire. Le pouvoir en place le sait, à tenter sans compter d'éteindre les incendies qui se déclarent (augmentation du barème de remboursement kilométrique du carburant, chèque énergie, ponction des revenus du Groupe EDF...). A l'image d'un surligneur fluo, les Gilets jaunes ont laissé leur empreinte.

Pouvoir politique de plus en plus menaçant mais contesté de toutes parts, envies de sédition de la part de multiples communautés infra-nationales (indépendantistes calédoniens ou corses, quartiers, ZADistes, antiPass et pro-liberté, Gilets Jaunes et Bonnets rouges...), à l'heure des propositions, il n'est pas simple de conseiller le monde politique sur la marche à suivre pour tenter de rétablir l'assiette de l'avion France et de réjouir les passagers de plus en plus mal assis qui se trouvent à l'intérieur.

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La situation politique exige le retour du Feu

Comme on a pu le faire lors de la dernière élection présidentielle pour expliquer la victoire d'Emmanuel Macron, le modèle des 5 énergies taoïstes est intéressant à convoquer pour poser un diagnostic et tenter d'identifier les remèdes et antidotes possibles, pour rétablir la santé de la société malade. On observerait ainsi que la liberté de manœuvre, l'envie fantasque de l'enfant et du Bois sont en berne ; la vision institutionnelle du Feu est imprécise, diffuse ou fasseyante, liée au "en-même temps" macronien, qui peut avoir un intérêt électoral de court terme mais dissoudre simultanément la vision politique d'ensemble ; la solidarité de la Terre a volé en éclat depuis que le Président a déclaré vouloir "emmerder" une partie de la population ; l'énergie de l'Eau est elle-même malmenée avec un dissensus scientifique à propos de la politique vaccinale (ou énergétique) à mener. Si les énergies du Bois, du Feu, de la Terre et de l'Eau sont en creux, l'énergie du Métal en revanche pêche par excès : excès d'autorité et de jugement, excès des devoirs sur les droits, excès de verticalité et d'injonctions jupitériennes, manque de compassion et de chaleur. Cet excès de Métal étouffe l'initiative individuelle du Bois et sature l'Eau par un mode de pensée univoque. Le Métal se rebelle contre la Terre et se révolte contre le Feu qui aspire à la paix, à la joie et à l'harmonie. La représentation pathologique du modèle des 5 énergies est la suivante :

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Même s'il est probable que le pouvoir en place relâche la pression du Métal quelques jours avant le 1er tour de l'élection présidentielle pour des raisons de tactique politicienne (avec notamment l'abandon du Pass vaccinal), le retour durable à l'équilibre énergétique suppose que l'on renforce l'énergie du Feu (qui contrôle le débordement du Métal), de la vision et de la chaleur pour tenter de tempérer cet excès du Métal, devenu trop dur et trop cassant. Le Feu est l'élément clé du futur candidat à l'élection présidentielle car c'est l'énergie du retour de la joie et de l'unité, de la lumière et de la chaleur, de l'harmonie et de l'ordre naturel. Le candidat (il ou elle) le mieux placé sera celui qui sera susceptible d'incarner au mieux ces valeurs et ces attributs énergétiques. Un assouplissement du Métal permettra le retour en force (et en grâce) des autres énergies : du Bois qui est aujourd'hui sous contrôle (retour de la prise d'initiative et de l'envie, retour de la fantaisie créative de l'enfant et de la spontanéité, retour de la liberté de circuler comme la sève), de la Terre avec la nécessaire acceptation de ceux qui ne sont pas vaccinés (et de tous ceux qui pensent différemment) dans la communauté citoyenne et celle des hommes à l'image de De Gaulle qui a accepté toutes les parties prenantes au sortir de la guerre, de l'Eau enfin avec un retour au débat scientifique et à la communication apaisés. L'énergie du Feu est cependant et avant tout, une incarnation. Le candidat putatif devra porter en lui cette énergie et dégager une forme de flamboyance visible, évidente et ressentie par tous, que l'on appelle le charisme. A voir circuler les candidats, il n'est pas dit que cette qualité énergétique fasse partie du casting de 2022.

Un choc de croyances et d'identités

Si l'on devait exploiter un autre modèle et s'inspirer des 6 niveaux logiques de Robert DILTS, on pourrait observer les tendances suivantes :

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La plupart des candidats porteront un diagnostic sur la situation et sur les causes qui ont amené la crise environnementale, économique, sociale, sanitaire etc. (Environnement). La plupart nous expliquera quoi faire (Comportements) et comment le faire (Capacités). Chaque candidat renverra son programme au corpus de ses Croyances et la scission interviendra à ce niveau précis. On perdra l'unité nationale sur le niveau logique de la "Croyance" car elle se réfère à des identités distinctes. L'identité d'un Macron ou d'une Pécresse est européenne et marchande. Le récit associé concerne le risque de l'employabilité et du déclassement économique de la puissance française et européenne face aux États-Unis et à la Chine. Celle d'une Le Pen ou d'un Zemmour est d'essence culturelle, historique et nationale et le récit parle de la disparition du peuple et du génie Français. La Croyance enfin d'un Mélenchon est de nature socio-environnementale et fait résonner la disparition de la vie sur Terre et la coexistence des peuples entre eux. Le récit Macron-Pécresse est un récit de corps, le récit Zemmour-Le Pen est un récit de tête et le récit de la Gauche tente un récit de cœur mais encore fortement teinté d'idéologie, d'intolérance et de tête. Chacun de ces récits a beaucoup de mal à communiquer avec l'autre. Comme rarement dans notre histoire, dans la bibliothèque de notre avenir meilleur, les livres ne sont pas classés dans les mêmes rayons.

L'abstentionnisme pourrait être le grand gagnant de l'élection présidentielle

A défaut de trouver un candidat qui s'impose par son charisme naturel, la plupart des candidats à la fonction suprême pourrait tenter de faire des propositions à la croisée de l'ensemble des programmes des groupes constitués. Pratiquant une politique à l'ancienne, on pourrait y retrouver des mesures en faveur de l'environnement et du social (aide aux démunis, aux pays en difficulté...), des actions en faveur du marché et de la création de richesses, marier subtilement la souveraineté nationale avec la gouvernance européenne. A l'exception peut-être d'Eric Zemmour et de Jean Luc Mélanchon qui tablent l'essentiel de leur programme sur le clivage et la rupture (identitaire/national vs environnemental/social), la plupart des candidats devraient jouer cette carte du saupoudrage programmatique. Pratiquée depuis trop longtemps par le monde politique, cette carte trop jouée des mesurettes, du "un peu de tout" et du "cherry picking" de dernière minute a cependant perdu de sa valeur et de son efficacité, d'autant plus que beaucoup d'entre elles ne sont pas mises en œuvre une fois le prétendant élu. L'électeur fatigué a aujourd'hui le choix entre 2 candidats à la vision claire (Zemmour et Mélenchon) mais clivants (Métal) ou des candidats de saupoudrage et peu chaleureux (Pécresse et Macron) (repli énergétique global), dans un contexte de baisse de pouvoir d'achat, d'interrogation identitaire et d'inquiétude sécuritaire, géopolitique, climatique ou biodiversitaire. En conformité avec la sagesse populaire qui suggère qu'on s'abstienne en cas de doute, l'abstentionnisme pourrait être le grand gagnant de l'élection présidentielle.

Quelques pistes...

Dans ce contexte autoritariste et d'intransigeance réciproque, on comprend que la conciliation et le retour à l'équilibre ne seront pas faciles à obtenir. Ils reposent : soit sur la possibilité d'un méta-projet qui couvre tous les autres (le "gouverner au-dessus des partis" de De Gaulle au nom de la France), soit... d'une révolution.

Dans les faits, il n'existe pas à ce jour de méta-projet d'évidence, de nature à réconcilier l'ensemble des communautés nationales (gauche/droite, souverainistes/fédéralistes, décroissance/croissance écoresponsable, animalistes, wokistes, indigénistes, véganistes, transhumanistes, nucléaristes/éoliennistes...). Avant 1940, ce projet unitaire était porté par l'armée, la patrie et la religion. C'était le projet du "chef" et de la tête. Depuis la seconde guerre mondiale, le projet fédérateur est porté par la société de consommation et la satisfaction des besoins. Il s'agit du projet du corps. Le projet de demain renvoie au monde du cœur véritable et de la conscience, un meta-projet en résonance avec la conception même de la vie et de ce qui la fonde. L'environnement et le respect de la biodiversité en sont les premiers avatars. La science post-matérialiste en assumera les suivants.

Comme l'a très justement dit Einstein : " Aucun problème ne peut être résolu sans changer le niveau de conscience qui l'a engendré". La vie politique est la traduction de notre plan de conscience et ne fait pas exception à la règle. Ainsi, vouloir changer la vie politique suppose préalablement de modifier notre plan de conscience. On le sait de manière plus ou moins diffuse, la réponse à nos maux sera nécessairement d'essence holistique, spirituelle ou sacrée (le retour à l'unité planétaire, le partage des richesses, la régulation des naissances, le respect du vivant...). Notre avenir dépend du 6è niveau logique de la pyramide de Dilts (le pyramidion de la Spiritualité) et nous ne sommes qu'à l'amorce de cette ascension dont on a tenté en son temps d'écrire quelques actions clés pour y parvenir. Bien qu'aucun candidat ne s'y réfère explicitement (Jean-Marc Governatori, candidat défait des primaires du parti écologiste EELV a eu l'audace d'avancer sur cette question en abordant la question de la place de l'amour en politique), il leur est encore possible de s'en inspirer.

Quant à la révolution, c'est généralement le rôle joué par les guerres ou les soulèvements populaires, le chaos-père d'un nouvel équilibre. Nullement souhaitable, la nature y recourt cependant de temps à autres avec notamment les 5 extinctions d'espèces qui ont permis progressivement notre arrivée sur Terre.

En marge d'hypothétiques sauts de conscience planétaire, de grands projets nationaux ou européens, de mescluns programmatiques ou de révolutions, de plus en plus de citoyens tentent à leur échelle de changer ce qui doit l'être et de créer ce qui donne un "sens" à leur vie, de donner jour à ce qu'ils croient juste. Oubliant les pavés d'antan, la plupart d'entre eux a compris que la plage se trouvait en eux-mêmes, que la seule révolution digne d'être engagée aujourd'hui s’appelle la révolution intérieure. C'est elle qui explique la création de ces micro-républiques auto-gérées (quartiers auto-administrés, éco-hameaux autonomes, expériences de permaculture et d'économie circulaire, monnaies locales, immobilier partagé, économie du troc...).

 

Ultimement, de plus en plus de citoyens cherchent à devenir des auto-républiques, des citoyens d'eux-mêmes, souverains véritables de leur monde intérieur. Chacun de ceux qui s'engage sur cette voie nous rappelle que la France comporte en vérité, 67 millions d'auto-présidents potentiels et que le meilleur de notre avenir démocratique reste encore à écrire.

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