Par Laurent CHATEAU
Chaque langue possède une polarité Yin ou une polarité Yang
La littérature n’en parle pas mais à bien y regarder, chacune des 7 000 langues du monde possède une polarité Yin ou une polarité Yang. De manière générale, on peut considérer que les voyelles portent la polarité Yin, celle qui assure le lien entre les consonnes Yang. Anneaux sans attache, vous ne pouvez pas en effet accumuler les consonnes pour tenter de vous faire comprendre sans y associer le lien des voyelles. Le mot « fgtrpzx » par exemple est non seulement imprononçable mais également parfaitement inintelligible. A ce titre, discrète et efficace, la voyelle apporte la douceur, le lien, la réceptivité discrète et le sens, parfaite définition de la polarité Yin. A l'image d'une mère, c’est la voyelle qui fait exister les consonnes et qui vient nourrir le mot. A l'inverse des consonnes, on note que les voyelles peuvent se suffire à elles-mêmes et exister sans leur pendant alphabétique puisqu’on a tous appris et prononcé l’indémodable « aeiouy ». Dans leur sublime humilité lexicale, les voyelles n’existent que pour mieux faire briller la consonne. Parce qu’elle est Yin, la voyelle permet l'existence de la consonne Yang et la précède dans l'invisible de l'action, elle est le coach derrière l'athlète, la poutre qui fait tenir la maison. Comme dans la création de l’univers, le Yin a toujours précédé le Yang et c’est la raison pour laquelle la plupart des taoïstes lui vouent une gratitude profonde, la reconnaissance courbée devant celle qui fait tout exister, tout en sachant rester dans l'ombre.
Par l'emprunt des voyelles ou de certaines consonnes dont elles sont constituées, on comprend aisément que certaines langues soient à dominante Yin et d’autres à dominante Yang. Composé très majoritairement de voyelles, le polynésien par exemple (avec son célèbre "aloha") est à dominante Yin. Chose troublante, la femme et le matriarcat jouent dans ces sociétés un rôle central (reines, vahinés, liberté sexuelle, polyandrie...), organisées autour de cosmogonies féminines et de déesses plutôt que de dieux (la déesse Papatūānuku des Maoris par exemple). A rebours, le polonais est constitué singulièrement de consonnes très fréquemment juxtaposées comme « strz… » par exemple. Un même trouble nous saisit lorsqu’on prend conscience que ce pays accorde depuis très longtemps la primauté du garçon (Yang) sur la fille (Yin). Composé peu ou prou de voyelles et de consonnes à parts égales, on pourrait considérer le français comme Yin/Yang, à mi-chemin entre le polynésien et le polonais dans la fréquence de l’emploi des lettres.
Dans la riche famille des consonnes elles-mêmes, se cousinent les consonnes Yin des liquides (L), des sifflantes (S, Z, F), ou des chuintantes (CH, J), les consonnes Yin/Yang des vibrantes (R, V) ou des nasales (N, M) ainsi que les consonnes Yang des labiales (B, P), des dentales (D, T) ou des gutturales (G, Q, K).
La fréquence du recours au consonnes et leurs différentes polarités intrinsèques expliquent qu'une langue puisse être d'autant plus considérée comme Yin qu'elle emploiera fréquemment des voyelles et des lettres liquides, sifflantes ou chuintantes (portugais...), qu'elle puisse être jugée plus Yang si ses phonèmes recourent moins souvent aux voyelles et qu'elle emploie davantage de dentales ou de gutturales (allemand...). Entre les deux se situent tous les camaïeux Yin/Yang possibles des idiomes des hommes. Dans cet esprit et à titre d'exemple, on prend conscience que l'espagnol ou l’arabe seraient beaucoup plus Yin sans la "Jota", dont la virilité conquérante s'exprime profondément dans la culture de ces pays (corrida, suprématie masculine...).
La conjugaison et le Yin/Yang
Sur le plan de la conjugaison, le passé est logiquement Yin, le futur est Yang, le présent naturellement Yin/Yang. Si l’on devait utiliser le support du corps, les temps de la conjugaison du passé de la langue (imparfait, passé simple…) sont dans le dos du corps, le futur et le conditionnel sont situés sur la partie avant du corps. Le temps du présent occupe l’axe central situé entre le sommet du crâne (BaïHui-Yang) et le périnée (Huiyin-Yin).
Il est important d’avoir à l’esprit que le Yin/Yang doit s’entendre dans une lecture dynamique. C’est ainsi que le futur Yang à vocation à rejoindre le Yin/Yang du présent et que le présent du Yin/Yang rejoint très rapidement le Yin du passé. Le Yin du passé explique dans une certaine mesure le Yang du futur. Les déconvenues d’Hitler dans le domaine des arts (la peinture) par exemple, ont pu contribuer à nourrir l'aigreur du dictateur qu’il est ensuite devenu. Le futur est donc du présent en germe comme le présent vient nourrir quasi instantanément l’histoire, qui elle-même, conditionnera une partie de l’avenir. William Wordworth a parfaitement résumé cette réalité par la fulgurante formule : "l'enfant est le père de l'homme". Les temps de la conjugaison sont ainsi à entendre de manière circulaire et dynamique : Futur Yang => Présent Yin/Yang => Passé Yin => Futur Yang etc. On retrouve ici la bipolarité dynamique représenté par le symbole du TaïJi Tu, pluscommunément appelé Yin/Yang.
Les articles de la langue et le Yin/Yang
Concernant les articles de la langue française, certains d’entre eux sont masculins et d’autres féminins. Sur le plan taoïste, cette détermination de genre est une pure convention des hommes. A titre d’exemple et aux yeux de la nature, un citron ou une pomme restent des fruits. Que le substantif démarre par « le » ou par « la », par « un » ou par « une » sont de bien peu d'importance au regard du vivant. Les articles définis ou indéfinis ne sont donc que des artifices, des jeux d’apparence et une esthétisation phonétique de la langue française, qui ne portent en aucune manière la tonalité énergétique véritable de l’objet. Le tabouret et la chaise sont égaux devant l'usage de l'assise.
Les langues et les 5 énergies
Pour ajouter des nuances lexicologiques au propos, on peut quitter les terres bipolaires du Yin/Yang et se laisser dériver sur le territoire des 5 tonalités énergétiques du Bois, du Feu, de la Terre, du Métal et de l'Eau. On peut ainsi chercher à retrouver parmi les langues, les attributs propres à chacune d’entre elles.
Les langues du Bois (et non pas la langue de bois 😉) par exemple se retrouvent dans les langues qui se prononcent avec l’abdomen comme le japonais. Ce sont les langues qui portent une certaine fantaisie créative (les doubles-sens, les jeux de mots, la poésie mais également l'impatience et la fougue. Elles sont idéales pour porter les mots que l'on aime crier (comme les enfants), à l'image des slogans ou du célèbre "Kiaï" japonais.
Les langues du Feu : elles portent la tonalité de la paix, de l'autorité et de la joie. Portant la réunion et l'entente de tous, elles ont tendance à réunir les langues internationales (anglais, français...). L'esperanto est la langue la plus emblématique de la tonalité du Feu. A rebours et dans leur excès, elles sont idéales pour relayer les mots de l'intolérance (l'allemand dans l'histoire...).
Les langues de la Terre : ce sont les langues naturellement chantées et liées aux plaisirs : l'italien en est un bel exemple, le chinois avec ses 4 tonalités dominantes (9 dans la tradition) également. A l'inverse, les langues de la Terre peuvent être également celles de la lascivité et de la mollesse.
Les langues du Métal : le Métal porte les langues à dominante triste et romantique (l'allemand...). Les mots de la langue appellent la nostalgie et les sanglots. Très utiles pour écrire la loi, elles sont également remarquables dans leur précision et leur capacité factuelle à decrire la réalité.
Les langues de l’Eau : les langues de l'Eau sont enrouées et semblent provenir du plus profond du corps. Elles portent la sincérité et l'authenticité de la relation et de l'être, l'impossible mensonge. Langue de la sagesse et de la connaissance véritable, c'est la langue des bergers et de nombreux paysans. C'est également la langue des moines et de ceux qui ne parlent pas.
Ces tonalités sont à entendre comme des dominantes car les langues sont le plus souvent la combinaison de plusieurs énergies. A titre d'exemple pour prendre les langues les plus proches, le français s'inspire de la fantaisie et de la liberté du Bois, de l'universalisme du Feu. L'italien associe le chant de la Terre avec parfois le cri du Bois. L'allemand mélange le romantisme triste et précis du Métal avec la radicalité du Feu et de l'autorité. L'espagnol pour sa part, marie l'énergie chantante de la Terre avec le Yang du Feu et la virevolte du Bois.
De beaux échanges ne manqueront pas d'apparaître entre les locuteurs de langues différentes à ce propos, chacun apportant la nuance ou la contradiction. D'autres nuances pourraient en outre être apportées sur des consonnes considérées comme sourdes ou sonores, palatales, glottales, labiales ou coronales.
Pour l'heure et en guise de point d'orgue, il n'est d'autre issue que de donner sa langue au chat.
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