Les 4 maîtres-enseignants de la vérité

Dans le monde VICAD (volatil, incertain, complexe, ambigu et dangereux) qui est le nôtre, il est plus que jamais difficile de distinguer le vrai du faux, de révéler le juste. A nos côtés, des maîtres silencieux peuvent pourtant et sans bourse délier, nous délivrer des messages de vérité, guider nos choix personnels ou professionnels. Pour qui sait les comprendre, ces maîtres-enseignants de vérité sont la nature, notre corps, les enfants et les animaux. Explications.

· Concepts taoïstes,Développement perso

Par Laurent CHATEAU

Dans le monde socio-économique VICAD qui est le nôtre, la volatilité, l’incertitude, la complexité, l’ambiguïté et la dangerosité sont partout. Dans cet environnement de mensonge chronique et de dissimulation permanente, il est essentiel pour les décideurs individuels ou collectifs que nous sommes, d’identifier ce qui ne ment pas, les vecteurs ou les ambassadeurs de vérité. La sagesse populaire elle-même ne dit-elle pas qu'un homme prévenu en vaut deux ? La vérité et l'information justes permettent de commettre moins d'erreurs, de gagner du temps ou de l'efficacité pour les plus matériels d'entre nous (la Terre), de la joie, du bon ou du beau pour les plus contemplatifs (le Ciel).

Dans cette recherche du vrai et du pur, de la lumière qui vient éclairer la décision, le taoïsme nous apporte ses réponses, ses clés et ouvre ses portes. Parmi celles-ci, on peut en identifier au moins quatre, que cet article se propose de partager : la nature, le corps, les animaux et les enfants.

broken image

Le maître-enseignant de la nature

L'enseignant-vérité de la nature est le premier à citer car il s'impose à tous sans distinction. Lorsque l'hiver est installé, on ne peut éviter le froid (à moins de rejoindre l'autre hémisphère). La vérité de la météo et du climat sont des données d'entrée avec lesquelles l'homme doit composer sans possibilité de choix. Comme il est dit dans le Tao Te King, l'homme dépend des lois de la Terre (TTK, 25). L'homme-microcosme étant à l'image de la nature-macrocosme (le rythme de la machine n'a démarré qu'au XIXe siècle), il connaît lui-même ses propres saisons que l'on appelle des biorythmes. La vérité impose de dire que l'être humain entre dans la dormance de la nature en hiver (dépression saisonnière, besoin de davantage de sommeil, maladies ORL...) et s'épanouit comme les fruits et les sociétés traditionnelles, pleinement en été. Dans les entreprises, la logique-vérité voudrait ainsi que les rythmes de travail soient plus soutenus en été et allégés en hiver.

 

De la même manière, chaque individu est différent d'un autre et suit sa propre réalité biologique. Une vérité de nature voudrait que chacun puisse commencer sa journée plus tard s'il n'est "pas du matin" ou démarrer plus tôt s'il devait "ne pas être du soir".

 

De la même manière qu'il existe des saisons dans le cycle long de l'année, il existe également des saisons dans le cycle court de la journée. Une entreprise qui serait attentive aux messages vérité de la nature planifierait ses réunions créatives le matin (l'énergie du Bois), ses réunions stratégique vers midi (énergie du Feu), ses réunions conviviales et de lien pendant et après les repas ou lors des pauses (l'énergie de la Terre), ses réunions d'arbitrage ou relatives à la protection de l'organisation (gestion, finance, droit, cybersécurité - l'énergie du Métal) durant l'après midi et ses réunions d'information, de partage ou d'élargissement de sa connaissance à la fin de la journée (énergie de l'Eau). La vérité de la nature nous enseigne qu'une période de temps n'est équivalente à aucune autre.

D'autres vérités sont transmises par la nature à ceux qui l'écoutent et savent la comprendre : tout change en permanence, tout est lié et les responsables ne sont pas nécessairement ceux que l'on croit, tout doit rester simple, les salariés sont à l'image de la direction et réciproquement, l'humanité n'est pas le centre du monde, la tentative de coopération devrait précéder le conflit qui consomme trop d'énergie, se connaître est le début de la joie, savoir faire plus avec autant ou autant avec moins, savoir gérer l'aléa, savoir se détacher des résultats de son action parce qu'ils ne dépendent pas de nous, apprendre de chaque instant ou situation et s'adapter, retrouver la spontanéité de l'enfant et sa vérité intérieure (le métier qui est fait pour nous), apprendre à lire et à faire confiance à son intuition, s'ouvrir au beau et à sa joie intérieure, savoir observer le monde pour en apprendre les lois et agir de la manière la plus efficace et parcimonieuse possible, découvrir ce qui pourrait nous être utile, etc.

Toutes ces vérités peuvent nous être enseignées par la nature à ceux qui en connaissent les codes. Mais comme le déclare un proverbe chinois, "pour celui qui ne sait pas lire, un livre n'est qu'un bloc de bois". De la même manière, pour celui qui ne sait pas lire la nature, elle n'est qu'un bloc de bois, qui finit d'ailleurs en planches et en meubles de jardin.

Si vous cherchez des réponses "vraies", demandez-vous ce que dirait la nature dans la situation que vous rencontrez.

broken image

Le maître-enseignant du corps

On y a déjà fait allusion, le corps dispose de sa propre nature, de sa vérité intérieure (biorythmes, émotions et ressentis...). Très documenté par la recherche, on sait également depuis les années 60 que le corps ne sait pas mentir. 93% de l'information contenue dans notre communication proviendrait du non-verbal (position et postures du corps, traits du visage, regard...) et du para verbal (ton et rythme de la voix...).

De manière plus subjective, on sait aussi que notre corps a du mal à cacher à l'autre ce que l'on ressent. En retour, notre corps nous adresse des informations (qu'on ne peut pas ne pas percevoir), qui nous expliquent qu'on apprécie (ou pas) l'interlocuteur avec qui on discute. Les émotions (joie, peur, colère, tristesse, dégoût, impatience...) ou les intuitions nous parviennent sans qu'on puisse corporellement les juguler. On a parfois du mal à expliquer pourquoi "on ne sent pas" son interlocuteur ou un lieu. Notre corps ressent ce que notre mental ne peut expliquer mais à la toute fin, il est de bon conseil d'écouter son corps car le mental de son côté, grand travestisseur de réalité, peut nous induire en erreur. A titre d'exemple, on peut vouloir acheter une maison parce que le prix est attractif et ne pas écouter son organisme qui nous demande de passer notre chemin. Échappant pour une large part au contrôle du mental, notre corps intuitif et sensitif est un enseignant de vérité. Si vous cherchez des réponses "vraies et alignées", écoutez et demandez-vous ce que dit votre corps dans la situation présente. Si vous maîtrisez les points énergétiques de la médecine chinoise et que l'un de ces points vous démange, allez consulter le Dim Mak pour en connaître la signification et laissez venir l'inspiration. Plus largement et sans référence aux livres, venez pratiquer un art énergétique traditionnel (Qi Gong, yoga...) qui amorcera le dialogue conscient de votre esprit avec votre véhicule de vie. Vos capacités de captation des informations augmenteront au fil du temps.

broken image

Le maître-enseignant de l'enfant

Le troisième grand enseignant de vérité concerne les enfants. Un célèbre proverbe populaire ne déclare-t-il pas que "la vérité sort de la bouche des enfants ?" Je m'amuse à constater que certaines entreprises posent les 3 valeurs suivantes comme fondement du leadership : l’authenticité, l'engagement et l'ouverture. Précisément, s'il y a bien un groupe humain qui incarne ces 3 valeurs clés, ce sont bien les enfants. En matière d'authenticité, tel Adam et Eve, un enfant peut se promener sans difficulté tout nu au milieu de ses semblables. Ce faisant, il nous donne une belle leçon d'authenticité. En matière d'engagement, l'enfant qui joue oublie le temps et l'espace et se fait gronder d'être resté trop longtemps "engagé" dans son activité ; jouer avec ses copains, faire flotter son bout de bois dans le ruisseau ou "se prendre au jeu" avec sa console. Comme l'artiste (qui est un enfant de la taille d'un adulte) qui oublie le temps qui passe lorsqu'il peint ou écrit, complètement investi dans son activité et donnant tout ce qu'il EST, un enfant nous donne une leçon d'engagement. De la même manière en matière d'ouverture, l'enfant est un modèle de réceptivité et de curiosité. Une expérience menée par le Washington Post en 2007 a mis en scène l'un des plus grands violonistes au monde (Joshua Bell) dans le métro pour examiner le rapport des humains au beau. L'histoire (ou la légende urbaine) raconte que ce sont surtout les enfants qui se sont arrêtés pour écouter le virtuose. Grands appréciateurs de la beauté et sans accroche au temps, les enfants nous donnent une leçon d'ouverture. Sans en avoir conscience, par les 3 valeurs de l'authenticité, de l'engagement et de l'ouverture, les entreprises demandent à leurs leaders de gouverner comme des enfants et/ou de réveiller l'enfant qui sommeillent en eux. Plus largement, et cela fera peut-être l'objet d'un article ultérieur, les enfants respectent les 18 principes de la nature que l'on a formalisés comme la simplicité, la bonté, le pragmatisme, la spontanéité, la fractalité, la frugalité ou le non-agir taoïste.

Ce qui est en haut étant à l'image de ce qui est en bas, il serait intéressant que les enseignants et les maîtres de l'éducation nationale s'interrogent parallèlement sur ce qu'ils ont à apprendre des élèves qui les écoutent. Il est dit dans la tradition martiale et énergétique qu'il existe 2 moyens d'apprendre : pratiquer et... enseigner. La grande idée est bien celle-là, celle de se faire enseigner par ceux qui sont supposés nous écouter. Paradoxe taoïste et de la nature. Le plus grand élève n'est pas nécessairement celui que l'on croit et le maître grandit lorsqu'il sait pouvoir apprendre de celui qu'il enseigne. Ce faisant, qui est le maître et qui est l'élève ? Bienvenue dans les paradoxes et relativités taoïstes et de la nature.

A titre d'exemple, je demande un jour à ma fille qui souhaitait devenir vétérinaire si le fait de voir les animaux souffrir et le sang ne lui serait pas trop insupportable. Elle me répondit cette fulgurance de vérité que là ou je voyais de la souffrance, elle, voyait le soin et la guérison, une occasion de soulager la douleur du monde. Elle venait de me donner une leçon de vie et de remplir le verre que je croyais à moitié vide. Par raccourci et pour sourire, il me plaît de rappeler que nos plus grands maîtres font moins d'un mètre.

C'est pourquoi, si vous cherchez des réponses non biaisées, demandez-vous ce que diraient vos enfants (ou les enfants des autres) dans la situation présente. Mieux encore, interrogez-les.

broken image

Le maître-enseignant des animaux

Cette quatrième et dernière porte de vérité est rarement citée ou envisagée. Et pourtant, les animaux non plus ne savent pas mentir. Certains penseurs ont pu dire que les humains étaient des animaux divins. En effet, ne serait-ce que par nos instincts (survie, reproduction, grégarité, créativité...), 80% de nos comportements proviennent du fond des âges et de notre animalité atavique. Loin d'être une insulte, cette animalité endogène renvoie au monde de la matière et à notre histoire assumée, cette vérité nous réconcilie avec notre mémoire et le phylum du vivant. L'animal n'est pas la bête et comme le déclare avec justesse Tchouang Tseu, certains chiens sont meilleurs que bien des hommes et certains hommes pires que des bêtes.

Ce faisant, observer son animal de compagnie, un animal de ferme ou sauvage nous enseigne. Le chien qui fait la fête à son maître qui rentre du travail lui rappelle l'importance de faire de l'exercice et de se dégourdir les pattes. Jappant de bonheur, il lui révèle également ce qu'est l'amour véritable et la vertu de la patience car un humain à sa place, l'aurait plutôt accueilli en retroussant les babines pour l'avoir laissé seul toute la journée.

De manière générale, les animaux nous rappellent la seule existence du présent, nous enseignent les vertus de la coopération (l'âne et le mouton dans le pré) et du travail collectif (les fourmis entre elles...), la notion de territoire mais également des choses aussi prosaïques que l'odorat. Les chiens font connaissance par les odeurs et nous interrogent sur l'exhalaison olfactive que l'on projette autour de soi, sur l'odeur de notre logement ou de notre bureau. Les parfums qui nous entourent font partie de notre identité et il est important d'en avoir conscience.

Là encore dans votre quête de vérité, si vous cherchez des réponses, demandez-vous ce que diraient vos animaux familiers dans la situation difficile que vous rencontrez.

Nature, corps, enfants ou animaux, les maîtres-enseignants ou messagers de la vérité sont partout, pour qui sait les voir, les entendre, les sentir ou les ressentir. Développez dès à présent vos capteurs. Certains enseignants de Qi Gong ou de yoga traditionnels peuvent vous y aider. Comment savoir si l'enseignant est le bon ? Si vous répondez "le corps", c'est que vous avez compris l'esprit de cet article.