Les 3 marches alchimiques de la voie du Dao (Partie 1)

Cet article de recherche (en 2 parties), plus académique que de coutume, se propose de donner aux marcheurs de la vie que nous sommes, quelques clés sur les grandes étapes initiatiques de la voie du Dao que notre incarnation nous invite à découvrir.

· Concepts taoïstes,Développement perso

Par Laurent CHATEAU

Un article récent a fait référence aux 3 finalités de l’existence, résumées en 3 verbes d’action : Connaître, Aimer et Créer. Le premier renvoie au "Connaître" et au chemin de la vallée. Il se situe dans l’abdomen. Le 2è chemin est celui de l"’Aimer" et du calme. Il se trouve dans les estives de la moyenne montagne et se localise dans le Cœur et la poitrine. Le 3è chemin est celui du "Créer" et de la haute montagne, avec son lieu de résidence situé dans la boîte crânienne.

Cet article, plus académique que de coutume et largement "inspiré", se propose de les décrire en détail pour donner aux marcheurs de la vie que nous sommes, quelques clés sur les grandes étapes initiatiques de la voie du Dao, que notre incarnation nous invite à découvrir.

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Un peu d'histoire et un symbole

L'alchimie taoïste s'est "raffinée" sous les Dynasties des Tang mais surtout des Song (Xè-XIIIè siècle) lorsque les candidats à l'immortalité se sont lassés d'absorber des breuvages interlopes, à l'efficacité douteuse, susceptibles de les envoyer ad patres. Le dernier empereur Ming est mort de cette manière.

Sur le plan symbolique, la tradition chinoise associe ces trois plans initiatiques aux « trois purs » ou déités primordiales suivantes : 1) Xuan Wu, protecteur du Nord (en lien avec les Reins et le Jing), 2) Guan Yin (ou Kuan Yin), déesse de la compassion (en lien avec le Cœur et le Qi) et 3) Guan Gong, guerrier mythique, loyal, lettré, stratège et serviteur (en lien avec le cerveau et le Shen, l'esprit).

De son côté, le symbole fondateur du taoïsme, le TaïJi Tu, appelé plus familièrement "Yin/Yang" dit tout et l’ensemble des concepts évoqués (la connaissance, l’amour, le pouvoir de créer, le vide, l’unité) s’y retrouve pour qui sait les voir. Avant de regarder l’illustration ci-dessous, amusez-vous à tenter de les positionner sur le symbole.

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Le bleu/noir de la connaissance Yin, au plus profond des bibliothèques porte le "Connaître". La Création consciente du "Créer", lumineuse, blanche, évidente, fulgurante et agissante, se retrouve dans le blanc du Yang. L’"Aimer" de son côté ondule entre le Yin et le Yang par un engendrement langoureux, réciproque et infini, dans une étreinte sans fin qui s’appelle la vie et l’univers. Les points d’échappement de cette bipolarité dynamique se trouve à la fin du Yin et avant l’amorçage du Yang et inversement à la fin du Yang et avant le démarrage du Yin. Ces pauses respiratoires et de cycle sont les portes du vide (WuJi), qui vont nous aider à nous échapper du cycle et à fusionner après avoir « broyé le néant ».

La singularité de la Voie du Dao réside dans le corps

Les 3 « agir » "Connaître", "Aimer" et "Créer" sont à entendre comme des chemins d'apprentissage et de connaissance qui gravitent et qui s’enroulent comme des brins d'ADN ou des lianes, autour de la conscience de l’individu.

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Pour autant, l’originalité supérieure de la tradition taoïste, ne réside pas dans l’identification de ces 3 chemins initiatiques. On les retrouve en effet dans la plupart des traditions initiatiques et trinitaires du monde. Le druidisme par exemple les appelle les trois devoirs et le Triskell celtique en porte la symbolique.

Non, la singularité de la tradition taoïste réside plutôt dans le fait qu’ils ne constituent pas des concepts mentaux et théoriques, des textes hermétiques à destination de rares initiés chenus, des ouvrages que l’on ouvre avec déférence dans l’ombre poussiéreuse d’un temple éclairé de bougies. Pragmatique et analogique par essence, la puissance de la voie alchimique taoïste réside au contraire dans sa capacité unique à localiser les concepts, les émotions, les sentiments, les vertus ou les vices dans le corps ou les organes du corps humain, ainsi qu'à représenter ce corps comme le territoire spatialisé d'un Empire.

De manière plus précise, la tradition chinoise et la voie du Dao font parfois référence à 3 chemins et à 3 « barrières » ou à 3 « passes » (Guan), à l’image des « marches » d’un territoire, parfaitement localisables sur la carte de notre enveloppe corporelle.

Localiser les 3 barrières

Utilisant le support matériel et énergétique du corps, les méditants taoïstes ont ainsi identifié la première barrière (ou « passe ») au niveau des Reins. En lien étroit avec le premier centre énergétique (DanTian), elle porte le nom de « Porte de la destinée » (Ming Men, VG4). Dans les Reins résident en effet la Connaissance et le « Connaître », les grandes lois du Ciel et de l’Eau, de même que son « mandat céleste » (Tian Ming), la connaissance de soi et de sa mission de vie, sa "nature céleste" aurait dit Tchouang Tseu.

Remontant le long de la colonne vertébrale via le merveilleux Vaisseau Gouverneur (VG), on trouve la 2è barrière entre les 2 omoplates, sur un point qui s’appelle la « voie de l’esprit » (Shen Dao, VG 11). En lien avec le 2è centre énergétique (DanTian médian), ce point résonne avec la poitrine et le Cœur et toutes les initiations relatives à l’ « Aimer ».

Dans un mouvement toujours ascendant, la troisième barrière est celle qui se trouve à la base de l’occiput autour des points « Résidence du cerveau » (Nao Hu, VG17) ou du « Coussin de jade » (Yu Zhen, V9) selon les traditions. En relation avec le 3è centre énergétique (DanTian supérieur), cette troisième marche est supposée nous amener sur la voie du « Créer » et de la Grande Conscience.

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Chacun de ces points, parfaitement localisés dans le corps peuvent être vus comme les « marches » horizontales d’un territoire ou bien comme les marches verticales d’une falaise qui conduisent à l’immortalité et au sans-forme de l’initiation alchimique. Les méditations de guérison (dont la plus célèbre est la "petit orbite céleste", appelée également "petit ciel" ou "circulation microcosmique") consistent à aider l’énergie à circuler le long de la colonne vertébrale afin de faire monter l’énergie de la Terre vers le Ciel et faciliter la descente de l’énergie très pure et messagère du Ciel vers la Terre par l’avant du corps. Astucieux, les maîtres-enseignants conseillaient aux disciples de visualiser l’énergie non pas sur chacune des portes mais légèrement au-dessus du point énergétique, pour aider le flux à considérer que l’obstacle était déjà franchi, la porte dépassée.

Respecter une certaine chronologie

On y reviendra plus en détail dans un prochain article, il est important de garder à l’esprit que les 3 « agir » s’inscrivent dans une chronologie qu’il convient globalement de respecter, même s’il est toujours possible d'en travailler simultanément plusieurs.

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A l’image d’un escalier où chaque marche trouve son utilité et son appui dans la position de celle qui la précède, l’alchimie considère qu’il est d’abord nécessaire d’« Apprendre à connaître » (notamment comment éliminer les toxines et à accumuler l'énergie) avant d’ « Apprendre à pacifier ses émotions et à aimer » (apprendre à purifier et à faire circuler l'énergie), de même qu’il est important d’ouvrir son cœur et d'apprendre à aimer avant d’« Apprendre à créer en conscience » (focaliser son mental et concentrer l'esprit, faire le vide). Apaiser ses émotions et ouvrir son Cœur par exemple sont indispensables à la création consciente et positive de l’étape 3 puisque créer sans amour sur les plans subtils peut contribuer à faire apparaître dans l’instant la forme de nos plus grands déséquilibres intérieurs (peurs, colères, tristesses…).

A bien y regarder et clin d'œil de la Création, la forme du corps elle-même donne le sens du parcours évolutif de la Terre vers le Ciel et semble nous dire : « suivez la flèche ! ».

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Au-delà de ce qu’on a pu en dire dans l'article "Retour au pays de l'avant-souffrance : mode d'emploi", on peut chercher à caractériser plus précisément chacun des 3 territoires alchimique et finalités de la vie.

Le territoire du « Connaître »

Le premier territoire est celui de la Connaissance avec un grand C. Bien évidemment, la connaissance peut renvoyer à la maîtrise de techniques et de rituels. Cette information peut être utile pour avancer, rassurer ou prendre conscience. Pour autant, c'est la qualité et l'efficacité de la technique qui intéressent le candidat à l'immortalité, non la forme par elle-même ou la quantité d'exercices qu'il maîtrise. Les occidentaux goûtent particulièrement cette sécurisation mentale qu’on pourrait appeler « la petite connaissance ». Dans le domaine du Qi Gong par exemple, nombreux sont les pratiquants qui cherchent à maîtriser une multitude de formes, estimant qu’elles sont autant de marches sur la voie de leur évolution et que la quantité des techniques apprises l’emportera sur la qualité et la répétition. Cependant, la quantité n'est pas le sujet, pas plus que la connaissance que l'on peut avoir sur les textes classiques ou sur toute autre notion de culture générale que la bonne société attend de nous : la vie de Lao Tseu ou de Chen Tuan, la liste chronologique des dynasties chinoises, les vignobles français, la filmographie du cinéma indien, la suite de Fibonacci ou la symbolique maçonnique. Cette connaissance de jeu TV disparaîtra avec nous au moment de notre « départ physique ». La Connaissance de la tradition est celle qui s’engramme dans l’ADN de nos cellules, celle que la voix ne saura jamais traduire et qui ne se transmet qu’avec « les mots de l’énergie ». C’est cette Connaissance intransmissible et vibratoire qui fait dire à Lao Tseu « Celui qui sait n’a pas un large savoir. Un large savoir ne connaît rien » et que Tchouang Tseu a repris à sa manière avec son définitif : Savoir que le savoir peut ne pas savoir, demeure le plus haut savoir ».

La Connaissance véritable qui intéresse l'alchimie taoïste dépasse la simple connaissance corporelle, émotionnelle ou psychique. Elle dépasse même la connaissance mentale des lois du vivant ou des 18 Principes de la vie. Elle est l’Euréka d’Archimède ou la pomme de Newton, cette fulgurance de compréhension des grandes lois de la Nature et de la Création que l’on aura du mal à expliquer à l’autre : la fractalité, les lois du cycle, l’interdépendance et la bipolarité dynamique, le jeu des synchronicités et de la création consciente, les concepts d’Unité ou de trinité… De même qu’il est quasiment impossible de décrire à l’autre son parfum ou sa couleur préférée, il est impossible de décrire un ressenti ou un état de bien-être absolu et total, l’expression sensitive du beau, du bon et du bien. La Connaissance avec un grand C de la voie alchimique ne se transmet pas, elle s’expérimente, elle provient de l’intelligence du corps dans un premier temps (le ressenti) puis du « hors-corps » dans un deuxième temps.

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Comment expliquer à une fourmi qui marche le long d’une corde de guitare ce qu’est une guitare et la vibration qu’elle peut procurer ? Comment décrire la note d’un piano au peuple de la jungle ? Comment expliquer l’extase ? Comment traduire une vibration cellulaire ? Comment raconter l’infini ? Comment rapporter le Tout ? Comment justifier la circularité et la fractalité du monde ? Le non-temps ? L’amour inconditionnel de la Création ? En vérité, comme l’Harmonie, la Connaissance EST. Au-delà de tous les questionnements, elle est là et se laisse approcher par le quêteur de sens par impulsions successives. La Connaissance nous enseigne et nous apporte ce dont on a besoin, ce que notre stade d’évolution et nos capteurs nous permettent d’appréhender. Toute la Connaissance est présente tout autour de nous mais non accessible car non appréhendable par nos capteurs vibratoires et sensoriels ordinaires. C’est un peu comme si on voulait mesurer la pollution de l’air avec un stéthoscope ou voir les étoiles en plein jour. En revanche, plus notre connaissance évolue, plus nos outils et nos capteurs se raffinent, plus notre conscience… prend conscience, plus on capte les infrarouges et les ultra-violets du spectre de la Connaissance.

Portée par le Qi et le corps qui se font le canal de l’information, la Connaissance est une compréhension spontanée, intuitive, fulgurante, évidente et… indicible qui peut déboucher sur des aptitudes parapsychiques. A un stade avancé, cette Connaissance se transforme en re-Connaissance, une impression de retrouver ce que l’on savait déjà, un sentiment diffus de redécouvrir dans le cycle infini de la Création, une Loi ou une information que l’on savait exister depuis toujours. C’est cette Connaissance qui nous donne les grandes clés de la Création et qui nous rend « immortels » au sens de la tradition taoïste. C’est la Connaissance qui nous fait comprendre ce qu’est l’énergie, comment la faire circuler et comment la transformer, comment créer à partir de l’information. Parce que je comprends de mieux en mieux les lois de l’univers (impermanence, fractalité, amour, interdépendance etc.), à partir de l’enseignement des maîtres de vérité (corps, nature, enfants, animaux, amour), je prends ma véritable dimension d’être humain, je comprends le sens de ma vie (ma mission de vie) et de la Vie elle-même. Je deviens ce que je suis, ce que j’ai toujours été. Me connaissant moi-même, je peux alors connaître l’Univers et les Dieux, ainsi que le suggérait la devise inscrite sur le temple oraculaire de la Pythie de Delphes. Je peux même devenir l’Univers lui-même car ma petite conscience se découvre connectée à la Grande Conscience.

Animée par les forces d’amour qui représentent le 2è territoire d’évolution, cette Connaissance me permet de devenir un meilleur créateur de mondes, de mon monde personnel au monde collectif, du plan de l'horizontal aux plans subtils.

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Le territoire de l’ « Aimer »

La deuxième marche ou le 2è territoire est celui de l’amour avec un grand A. Agapê dans la Grèce Antique, il est l’amour universel, un élan, une vibration d’absolu, un appel. Mieux, il est l’un des principes fondateurs de l’Univers. Il est décrit par la plupart des textes sacrés et des grandes religions du monde (soufie, chrétienne, bouddhiste, persane…), attesté par la plupart des mystiques du monde et relaté par la quasi-intégralité des expérienceurs de l’élargissement de la conscience (EMI…). Cet amour là dépasse l’amour du plan de la Terre du corps et de l'Eros, l’amour Philae de l’autre et du plan de l'Homme. Avec la même limitation des mots, cet Amour avec un grand A est celui du plan taoïste du Ciel, appelé indistinctement absolu ou inconditionnel. Le terme sans doute le moins inapproprié est celui d’Universel. On y retrouve agrégés l’amour de Soi, l’amour de l’autre, l’amour du monde et de la Création, l’amour de la vie elle-même. Il est une vibration bienveillante et spontanée qui sourd au plus profond de chacune de nos cellules, un rayonnement qui trouve sa joie dans le don, à l’image d’un cœur qui bat sans avoir besoin d’y penser.

A l'image d'un rayon solaire ou d'une goutte d'eau qui tombe d'un nuage, l'Aimer est un appel de protection et de perpétuation de la vie qui n'attend rien en retour. Sans attente d'un contre-don à l'image d'un arbre qui offre gratuitement ses fruits, l’amour universel est un créateur d’Harmonie. A l’image de l’harmonie de l’Univers, l’amour lui est consubstantiel. Comprendre cela, c’est s’installer dans les pas de la grande Création, du Principe Un et de son antécédent, le Dao.

De manière plus pragmatique et plus proche de nous, l'Aimer est tout simplement le meilleur moyen de faire circuler l’énergie dans le corps (la santé) et l’information de l’Univers (l'intuition, le juste, la vérité) en élevant notamment la fréquence vibratoire de ses cellules. Si on devait parler comme un ingénieur, on dirait que toute pensée, toute parole, tout acte non empreint de la vibration de l’amour n’est pas optimisé, le signal est lent et distordu. Le récepteur ne saisira pas la totalité de l’information de l’émetteur. Le malentendu peut s’installer, ainsi que la dysharmonie. Aimer est dans le présent, le meilleur moyen d'installer la santé dans le corps puisqu'il est dit que 80% de nos maladies courantes proviennent de déséquilibres émotionnels.

A l'échelle de la vie, l’amour Universel est le meilleur canal d’évolution, celui qui nous permet d’atteindre plus rapidement et plus confortablement la destination de nous-mêmes et de l’infini. Tout autre chemin sera plus chaotique, plus lent et plus douloureux. Ceci est une leçon d’incarnation. Nous ne serons jamais aussi heureux que dans l’amour Universel de soi, des autres et du monde. Lorsque nous sommes installés dans la vibration de l’amour Universel, nous ressentons une profonde gratitude pour tout ce qui vient, pour tout ce qui est : soi, les autres, la Nature, la vie elle-même. Nous vibrons à la même fréquence que la Création et l’information alors apparaît, à l'image de ces deux peuples qui finissent par parler la même langue et se comprendre. Certains ont parlé de la béatitude des Saints. Il est dit dans la tradition taoïste que « la Conscience réside dans le Cœur », ou bien que « le Cœur est ‘la demeure’ de la Conscience ». D’autres écoles nous disent que « rien de vrai et de juste n’advient sans le Cœur ». Le Cœur (complété du Thymus) est le vecteur et le réceptacle de la Conscience. Saint Exupéry lui-même n’a-t-il pas écrit dans son Petit Prince qu’on ne voyait bien qu’avec le Cœur ?

Sur le papier, le chemin est simple à comprendre et les évangiles, l’Agapê grec, Mozi ou Rumi (plus récemment), nous en parlent depuis plus de 2 000 ans. Voie simple à décrire, elle est cependant escarpée et semée d’embûches, difficile à mettre en œuvre. Il y a souvent loin de la compréhension, à l’acceptation puis à la réalisation. On le sait, les 30 cm qui séparent notre mental du Cœur est au genre humain, la distance la plus longue et difficile à parcourir. Depuis plus de deux millénaires, quelques progrès ont été réalisés (fin de l’esclavage, reconnaissance de la femme, travail des enfants, valeur d’un homme, engagements caritatifs…) mais il reste encore beaucoup à faire, surtout dans les temps de "rétrocivilisation" qui sont les nôtres.

Pour s’en rapprocher, l’amour inconditionnel peut se concevoir mentalement avant de se ressentir corporellement. De même, il peut nécessiter dans les premiers temps un effort de conscience pour le capter avant de pouvoir s’exprimer spontanément et sans effort, de manière inconsciente.

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Dans la durée, il paraît logique et souhaitable que la manifestation de l’amour inconditionnel devienne de moins en moins le résultat d’un acte mental et conscient et de plus en plus une réalité corporelle et psychique inconsciente.

Des écoles de Qi Gong comme l’école Sheng Zhen travaillent plus spécifiquement cette voie du Cœur.

Le territoire du « Créer »

La troisième marche de l’évolution est celle de la Création avec un grand C. Dans la tradition indienne notamment, on retrouve cette dimension du « Créer » au travers du « Karma » qui peut s’entendre comme l’accumulation de nos créations passées et présentes (actes, paroles, pensées, croyances). Contrairement à certaines croyances, l’amour n’est pas la fin de l’histoire. Apprendre à aimer fait encore faire partie du mode d’emploi, constituer un ingrédient nécessaire mais non suffisant à la Voie de la Conscience, puisque l’intention ultime de la vie consiste à devenir un créateur conscient. D’abord dans son monde et sa vie personnelle (soi, ses proches, sa vie professionnelle…) puis dans le monde terrestre (l’état de la planète, le bien-être de l’humanité) puis enfin dans le monde céleste.

Au fil du temps, notre créateur inconscient devient un créateur conscient. Il (ou elle) a appris à lire les lettres de l’alphabet de la Connaissance dans la première étape, il a compris comment fonctionnait les grandes lois de la Création, les règles et les missions. Il a appris la langue et la grammaire de l’amour et du calme durant la deuxième étape, la vibration intime de la Création et la nécessité de la faire grandir en soi. Il s’agit dans cette troisième étape d’utiliser les lettres et la grammaire dans le sens et au service de la création consciente du monde. Il (ou elle) ne se contente plus de lire de manière a-consciente le texte des autres, il contribue en conscience à l’œuvre du vivant en utilisant son langage, il pense, il parle et il agit avec la connaissance et l’intention positive de la vie ; la création se fait Création. Le Cœur est calme et le mental ne s’éparpille plus, il sait durablement se focaliser et travailler avec le point Yin Tang*, le fameux 3è œil que le taoïstes préfèrent appeler "Tian Mu", l'Œil du Ciel.

Si on devait prendre un exemple limitant mais illustratif, on pourrait dire que notre pèlerin de la vie apprend le solfège et le piano durant la phase « Connaissance ». Une fois la technique maîtrisée, lors de la phase de l’« Amour », il éprouve de la joie à jouer pour lui-même puis pour les autres avant de chercher à transmettre son savoir-faire via un enseignement pédagogique et bienveillant. Accédant à la phase de la « Création », il finira par composer ses propres œuvres et enrichir le monde de ce qui n'a jamais existé avant lui, en résonance juste avec ses lois. Il pourra également adapter et interpréter les œuvres des autres compositeurs ou d’autres instruments, marier son art avec d’autres styles ou d’autres activités. La création sera partout.

Ultimement, la création consciente rejoindra la Conscience créatrice et l’une ne pourra plus se distinguer de l’autre, la petite conscience ayant rejoint la grande Conscience. La musique préférée de notre musicien sera alors le silence.

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Devenir un Créateur conscient

Dans le fond, les deux premiers chemins décrits (Connaître, Aimer) sont supposés se mettre au service de la Création et lui servir d’affluents. En plus d’apprendre les grandes lois de l’Univers via notamment le ressenti de la pratique du Qi Gong alchimique** , en plus d’avancer sur le chemin de l’amour Universel pour trouver l’intention juste, on est appelé à devenir des créateurs universels à partir de la vibration de l’amour que l’on a su développer en soi et de notre savoir-faire (Connaissance). Dans le jeu de la Vie, la Connaissance et l’Amour constituent un alliage qui est supposé forger de manière consciente la réalité du Cosmos. A la croisée de la Connaissance et de l’Amour, la Conscience a vocation à se créer en prenant conscience d’elle-même puis à créer le décor et la manifestation de son existence même.

On l’observe à notre échelle sur le plan des hommes et on le déplore parfois, l’humanité ne peut s’empêcher de créer car les Hommes sont faits pour cela. Nous n’avons à ce titre que la limite de notre imagination (Yi). Noah Harari, ce professeur d’histoire israélien nous a rappelé dans son best-seller « Sapiens » que l’Homme est parvenu à conquérir le monde parce qu’il était le seul à pouvoir « (se) raconter des histoires ». Par nécessité, par goût ou par jeu, l’Homme n’a jamais cessé de créer. L’écriture, l’agriculture, les voies de communication, les langues, les cités, les outils, les bijoux, les moyens de transport, les services, les jeux de l’amour, la hiérarchie, les organisations, les lois, les rêves, les mythes et légendes, etc. Peu instruits des lois universelles de l’amour, ils ont aussi créé les armes, la violence et la guerre.

Demain et parce que notre humanité ne travaille pas suffisamment avec sa conscience, l’homme ne pourra s’empêcher de créer des cyborgs et de s’engouffrer dans la religion de la donnée (le « dataïsme » existe déjà aux Etats-Unis) et de l’intelligence artificielle dite « forte », c’est-à-dire de nature à remplacer l’Homme lui-même. L’Homme est un tel créateur qu’il ne pourra pas s’empêcher de se recréer lui-même. Transhumanisme ? Post-humanité ? Sera-ce la fin de l’humanité biologique et l’antichambre d’une forme d’humanité mécanique ou algorithmique ? Le code est-il l’avenir du biologique ? Le biologique cohabitera-t-il harmonieusement avec le synthétique ? Il nous faudra dans les années qui viennent répondre à cette question ontologique de première importance où l’amour, on l’espère, trouvera toute sa place.

Les 3 chemins de connaissance convergent vers un même absolu

Dans le temps long des multi-incarnations ou dans l’instant, il est ainsi attendu de l’« immortel » potentiel que nous sommes, de devenir un « Créateur conscient », de contribuer à créer son monde puis LE monde à partir d’une parfaite Connaissance des lois de l’Univers, nimbée de la vibration de l’amour Universel, total, absolu et désintéressé.

A partir de prises de conscience successives, d'élargissement de champ et d'élévation vibratoire, la Conscience se nourrit du mouvement spiralé des 3 « agir », s’expanse et grandit jusqu’au moment de la mort physique où l’on suppose que la conscience de celui qui part sera considérablement plus riche que la conscience de celui qui est né quelques décennies plus tôt. C'est le contrat ontologique que porte notre humanité et qui nous distingue de l'abeille.

Dans ce mouvement d'expansion ascendante, la petite conscience finit par rejoindre la grande Conscience, la forme retrouve le sans-forme, les trois finalités débouchent ultimement sur la fusion avec le grand Tout (le Dao) dont parlent la plupart des grandes sagesses. Etat de vide et du « sans limite (« WuJi »), la conscience perd tout intentionnalité de connaissance, d’amour ou de création. Elle « est » et elle « non est ». Le temps et l’espace sont abolis, le visible et le non visible, le manifesté et le non manifesté se confondent, le potentiel, le non potentiel ainsi que tous les tétralemmes possibles. Plus loin encore, le concept même de conscience n’existe plus. Que reste-t-il ? Ce qui a toujours été, le Tout, le Dao. Cette dernière étape qu’on pourrait appeler l’ « outre-dissolution » et que la Voie du Dao appelle l’ « Immortalité céleste », ne sera pas décrite car les mots sont impuissants à décrire une non-intentionnalité, une non-finalité ou une infinitude.

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Le croisement des « 3 agir » et des couleurs

Magie analogique et cohérence du vivant, cet aboutissement ultime vers l'absolu et le retour dans le Grand Tout se retrouve dans la fusion et le croisement des couleurs. Il est ainsi hautement troublant d’observer que le « Connaître » dans la tradition taoïste concerne l’élément de l’Eau et que l’Eau est associée aux Reins. Les Reins portent notamment une fonction de stockage ; ils sont la bibliothèque de l’individu, la zone de recueil de l’énergie originelle (Yuan Qi), de ses aptitudes, potentialités et limitations héréditaires (Ciel antérieur) ainsi que de sa mission de vie et céleste (Tian Ming). Cette profondeur est traditionnellement associée à la couleur bleu foncé.

Simultanément et comme en Occident, l’énergie de l’ « Aimer » est associée au Cœur (en relais du Foie), temple des émotions. L’élément du Feu (de la passion), lui correspond ainsi que la couleur rouge (le rouge aux joues, les roses carmin…).

Créer enfin est généralement l'une des fonctions associées au Foie et à l’élément du Bois (imagination, créativité diurne, rêves nocturnes), même si les Reins sont également cités par les textes classiques, notamment compte tenu de son lien avec la mer des moelles, le cerveau. La couleur associée au Foie est le vert.

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N’est-il pas surprenant de constater que la loi de l’évolution reprend en définitive les trois couleurs fondamentales de la science optique (le rouge, le bleu et le vert), celle de nos écrans TV ou de nos smartphones, et que leur fusion permet de retrouver le blanc immaculé de la lumière et de la conscience ?

Coïncidence d'apparence, le hasard est une invention des hommes.

Maîtriser les 3 pouvoirs

Au cœur de ce cheminement initiatique et des "3 agir" réside ce qu’on pourrait appeler les trois pouvoirs, les trois capacités ou bien encore les trois maîtrises.

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Les trois pouvoirs sont portés par le corps, le cœur et le mental. Le corps détient le pouvoir du ressenti et de la captation en soi et autour de soi (de l’énergie, de l’information, du corps, des organes, des cellules…), le Cœur le pouvoir de la fréquence (l’installation du calme, la maîtrise des émotions et l’inspiration de l’amour), le mental celui de l’intention (la maitrise des pensées créatives, l’installation du dialogue intérieur et extérieur, l’interprétation des informations). Combinés, ces trois pouvoirs créent le Maître.

Chacun de ces trois pouvoirs est nécessaire à l’alchimie de la vie. Si l’un de ces trois pouvoirs vient à manquer, la transformation alchimique est imparfaite. C’est ainsi que :

  • La connaissance sans la création est futilité ou vanité.
  • L’amour sans la connaissance est réduction.
  • L’amour sans la création est limitation.
  • La création sans la connaissance est imprudence.
  • La création sans l’amour est lassitude.
  • La connaissance et l’amour sans la création est stagnation.
  • La connaissance et la création sans l’amour est obscurité.
  • La création et l’amour sans la connaissance est impuissance.

Au centre des trois pouvoirs se trouve le travail, le « Gong ». Sans travail conscient, patient et persévérant sur chacun des axes, peu d’évolution est à attendre. Sans travail conscient et à l’image d’une abeille ou d'un bousier, l’humain qui naît a de bonnes chances de ressembler à l’humain qui meurt. Le mandat céleste (Tian Ming) qui cherche à nous rapprocher du Ciel, n’a pas été honoré.

Le Grand Maître maîtrise les trois capacités

Pour conclure sur une note plus proche de nos vies, chacun d’entre nous est amené à rencontrer des enseignants, des thérapeutes ou des guides sur son parcours d'incarnation. Dans l’esprit de ce qui précède, on pourrait considérer qu’un Grand Maître spirituel est un homme ou une femme qui parvient à maîtriser simultanément et dans l’instant chacune de ces trois capacités. Le tableau ci-dessous classifie par amusement les enseignants que chacun d’entre nous est susceptible de rencontrer, au regard des « 3 agir » décrit dans cet article.

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Au regard de cette grille de lecture, vous pouvez vous interroger : que pensez-vous de vos enseignants actuels (toutes disciplines confondues), de vos guides, des médiums que vous consultez au regard de ces 3 "agir" ? A quelle catégorie appartiendraient-ils ? Pensez-vous souhaitable de poursuivre votre parcours avec eux ou bien vous semblerait-il utile de vous mettre en quête de celui ou de celle qui vous aidera à franchir les prochaines portes ?

A la toute fin, ces questions : Ne serais-je pas finalement mon meilleur maître ? Et si mes meilleurs enseignants étaient en moi ? Ne serait-il pas temps que je parte à leur rencontre et à devenir un auto-alchimiste ?

Bonne quête.

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Articles connexes :

* Ce point signifiant littéralement « Lieu de la décoration » est parfois appelé « Porte du levant » car les taoïstes avaient l’habitude de recevoir les rayons du soleil levant par ce point. Les rayons venaient nourrir les 5 viscères et les 6 réceptacles pour prévenir les maladies et rééquilibrer ce qui devait l’être. Voir à ce sujet « Qi Gong : la voie du calme » de Liu Dong aux éditions Grancher (1998).

** Dans le prolongement de ce qui précède, une traduction possible du « Qi Gong » alchimique pourrait être : « Le travail de l’énergie de la Connaissance, de l’Amour et de la Création ».