Cette lettre a été retrouvée sur le corps d'un vieil homme qui s'est éteint hier soir.
Cette publication tente de respecter sa volonté posthume.
Commissariat de Police de Nogent sur Seine, le 20 août 2024
Je suis un homme simple qui tente du mieux qu'il peut, de vivre selon les enseignements de la Nature, dans son environnement de bruit, de vitesse et de béton. Même si j'ai conscience de ne pas avoir choisi l'emplacement idéal pour "rejoindre l'Origine", je mène ma vie horizontale au plus près de ce qu'un arbre, un animal, un enfant ou mon corps pourraient m'enseigner.
Dans l'idée de ne pas trop m'écarter de la Voie, j'ai décidé de mettre noir sur blanc le déroulement de l'une de mes journées de ville, de lister les séquences successives de l'une de mes particules de vie, inspirée par la nature et les lois de ce plan de réalité. Sans même que mes proches ne le sachent, j'ai décidé de toujours porter sur moi cette liste de lenteurs (et non pas de courses) avec l'espoir secret mais détaché, qu'elle pourra être lue par le plus grand nombre le jour où je quitterai ce monde de bruit, de vitesse et de béton.
Connaissant la règle des horloges, j'entends décider moi même du jour de mon départ. La publication de cette lettre sera la preuve de mon retour dans le Grand Mystère et la possible amorce d'une prise de conscience de ses lecteurs.
Monsieur Tao
Le réveil, l'ouverture du cercle
- 30 mn avant le réveil complet, je profite de cette période de brume pour faire venir les réponses aux questions que je me pose et celles que je n'ai pas demandées mais qui me font avancer. Je développe ainsi mon intuition. Quand j'en ai le temps, je pratique une méditation qui permet d'élever la fréquence de mes cellules, d'ouvrir le Cœur et la Conscience.
- Je prends ensuite un soin particulier à me réveiller avec moi-même plutôt qu'avec les autres. Sans radio et sans écran, je me lève et ouvre la fenêtre. Je viens écouter les oiseaux en tentant de percevoir le silence "entre les sons". J'observe en complicité mes amis les arbres pour me rapprocher de l'Harmonie et me rappeler d'où je viens. Orphelins d'espace et séparés de leurs frères de racines, je viens soutenir et m'aligner avec ces cousins de feuilles et d'infortune. En l'absence de vert, il me plaît d'imaginer une végétation luxuriante datant de l'époque où l'homme n'avait pas encore posé sa hutte.
- Je pratique des automassages pour remettre en circulation l'énergie de mon corps endormi. Je me tourne vers l'Est en résonance avec la lumière montante du soleil et je travaille de la tête jusqu'aux pieds des routines qui équilibrent mes 5 organes et mes 5 viscères. En complément, j'ai plaisir à pratiquer les exercices de fortification (YangSheng Qi Gong) que je connais et que je ressens comme bénéfiques.
Le petit-déjeuner et le départ
- Je pars ensuite prendre mon petit-déjeuner en essayant de ressentir ce qui me fait du bien et ce qui a tendance à déséquilibrer mon organisme. Le café, le thé, le jus d'orange me font-ils du bien ? Chaud ou froid ? Liquide ou solide ? Mes tissus me répondent et la vie me parle. Je ne mange que si j'ai faim et ne gloutonne pas nécessairement parce c'est supposé être le repas du roi.
- Je consulte ensuite rapidement les titres des informations qui tapent contre la vitre de mon smartphone à propos de l'actualité du monde, en me disant que c'est "leur histoire". Je ne prends pas la charge mentale des autres (gouvernants, entreprises, pays...) car je ne suis pas acteur de cette réalité et je ne lis surtout pas les faits divers sordides dont la presse se repaît. Je tente de trouver des informations positives qui m'aident à croire dans un avenir meilleur et j'ai souvent du mal à y parvenir car j'ai compris depuis longtemps que le "mort-kilomètre", la colère et la peur font vendre.
- Je parcours l'agenda de ma journée que j'ai finalisé plusieurs jours auparavant pour éviter l'improvisation anxiogène. J'apprécie d'avoir prévu ces espaces avec moi-même que j'appelle des "auto-réunions". Ces respirations du temps sont un sanctuaire et j'ai conscience qu'elles sont aussi importantes que celles qui me font rencontrer les autres. Je remarque également que j'ai positionné autant que possible les réunions créatives le matin (le temps du Bois), les réunions concernant le groupe ou l'équipe en fin de matinée (le temps du Feu), les réunions de convivialité lors des repas et de la période digestive (le temps de la Terre), les décisions comptables ou d'arbitrage dans le courant de l'après-midi (le temps du Métal) et les réunions d'études ou d'approfondissement en fin de journée, au moment du temps de l'Eau.
Dans la matinée
- Je tente de vivre au rythme des saisons, travaillant davantage l'été et moins l'hiver, dormant davantage l'hiver et moins l'été.
- Lorsque la journée de travail démarre, j'essaie de respirer aussi souvent que possible en conscience avec l'abdomen pour installer le calme et faciliter mes relations avec les autres, en comptant au besoin jusqu'à 4 secondes sur l'inspir et 4 secondes sur l'expir.
- Chaque fois que je le peux, j'essaie de revenir à mon corps, de sentir son rayonnement et d'être conscient des "points qui s'allument" sur ma peau car je connais leur signification dans la langue de l'acupuncture.
- Lorsque je suis stressé, je pratique des techniques respiratoires de purgation (TuNa Gong) qui me permettent de "cracher" ce qui me préoccupe ou me perturbe, sans que les autres ne s'en rendent compte.
- Si je me sens en colère, j'imagine me regarder depuis l'espace ou depuis un monde sans humains ou bien encore je pense aux 100 milliards d'habitants qui ont déjà foulé cette Terre et ça m'aide à relativiser. Il m'arrive parfois de penser à un enfant triste et cela me calme aussi.
- Si j'ai des doutes ou prends peur, je m'imagine plus grand que je ne le suis, éclatant de lumière ou avec une sphère éblouissante au-dessus de la tête, je me redresse alors, j'écarte les épaules et je me sens mieux.
- Malgré l'avis de tous ceux qui m'entourent et toutes les études (souvent contradictoires) qui me parviennent, je n'oublie pas d'être sensible aux signes et de faire confiance à mon intuition.
- Je ne me dénigre pas car je sais que je fais du mieux que je peux et que pour bien se vendre, il faut d'abord s'acheter. L'amour de soi démarre l'amour de l'autre. Un pommier m'a enseigné qu'il aimait ses pommes et que ses feuilles ne méprisaient pas ses racines. J'ai enfin compris ce proverbe chinois qui déclare que "c'est s'aimer bien peu que de haïr quelqu'un".
- Je tente de pratiquer au mieux les 5 vertus taoïstes : la spontanéité, le naturel et l'authenticité du Bois, la recherche de l'harmonie collective et la beauté du Feu, l'humour et le sens du contact de la Terre, la frugalité et la simplicité du Métal sans oublier le détachement et l'humilité de l'Eau.
- J'accepte de faire des erreurs parce que ça me permet d'apprendre et que je sais que c'est comme ça qu'a toujours fonctionné la nature qui a éteint à 5 reprises, la majorité de ses habitants.
- J'utilise le modèle des 5 énergies comme les médecins taoïstes pour traiter les dysfonctionnements de mon entreprise ou de mon équipe (gérer des conflits...) mais aussi pour mieux gérer mes émotions.
- Je ne perds plus de temps à comparer les personnes, les projets, les résultats, les chanteurs car j'ai pris conscience que "Comparer, c'est séparer". Les concours de fleurs des champs ou les compétitions de nuages, ça n'existe pas.
- Ce n'est pas toujours facile mais j'essaie de penser en "Pour" et de n'être contre rien (les riches, les politiques, les concurrents, les collègues, les crétins...). J'essaie de raisonner le plus souvent possible en terme de motivation plutôt que de justification, de proposition plutôt que d'opposition.
- Sans chercher à briller, je ramène toutes mes décisions professionnelles à la raison d'être de mon entreprise ou de mon équipe. J'ai mis une plante verte dans mon bureau pour interroger ceux que j'appelle les "parties prenantes silencieuses" (les fleurs, les animaux, la beauté et l'harmonie du monde, les générations à venir) chaque fois que je prends une décision importante, pour savoir ce qu'elles en pensent et ce qu'elles ont à me dire.
- En fin de matinée, je pratique quelques automassages pour soulager les tensions musculo-tendineuses de mes épaules (AnMo) et soulager mes yeux (Mu Gong), fatigués par le travail sur écran.
Les temps de pause
- Aussi souvent que possible, j'essaie sur ces temps suspendus de RA-LEN-TIR, ma marche, mes gestes, ma respiration, mon attention, ma pensée. J'accepte de laisser vagabonder mon esprit, de "lâcher la montgolfière" comme je m'amuse à le dire. Au feu rouge, dans une file d’attente, entre 2 réunions, j'essaie de poser le cerveau et de vider le cœur. Je remplace ces temps "morts" par des temps de vie, les temps pleins par des temps de vide, en respirant en conscience pour revenir au calme et à mon corps, en pratiquant des méditations de vacuité ou bien en observant mon environnement, en laissant venir sans force les informations et les inspirations. Le nez au vent, je baguenaude, je rentre dans le paysage et je deviens global.
Le déjeuner
- Je pars courir ou faire du sport si j'ai un peu de temps avant le repas.
- Je mange et bois en conscience, pas n'importe quoi, pas trop sucré, pas d'alcool, pas de viande rouge, trop déséquilibrant sur le plan énergétique. J'évite de boire glacé car mes cellules ne comprennent pas qu'il puisse neiger dans l'été de mon corps tropical à 37°. Dans la complicité de moi-même, j'ai compris que mon organisme n'était pas une poubelle et que je devenais ce que je mangeais. Je me demande si je mangerais ce plat chaud s'il était froid ou ce plat froid s'il est servi chaud (hamburgers, raviolis...). J'adapte mon alimentation à ma constitution (Bois, Feu, Terre, Métal ou Eau) car j'ai conscience qu'on est tous différents. Je mange ce qui m'est proche. Je ne lis plus les régimes des magazines féminins parce que la nature ne connait pas la mode.
- Dans la limite de mes moyens, j'essaie de trouver la meilleure cuisine et le meilleur artiste des saveurs possible (meilleurs ingrédients, meilleur savoir-faire, meilleure intention, meilleur endroit) et de manger dans la douce conscience de l'acte.
- Pas toujours simple, j'essaie de ressentir l'énergie des aliments, l'effet qu'ils provoquent dans mon organisme.
- J'accepte de manger seul de temps à autres, pour trouver le temps de ce retour à soi dans le tumulte des autres, pour rendre plus diététique mon agenda saturé comme une mauvaise huile de cuisson.
- Si l'envie m'en prend, je relis quelques passages du Tao Te King de Lao Tseu mais également de Tchouang Tseu, de Lie Tseu, les Grands Traités du HuaïnanZi ou de GuanZi. Je peux également m'égarer avec GuiGuZi dans l'art de la diplomatie ou avec SunZi dans l'art du combat.
- Je pars faire une marche digestive après le repas, si possible dans un jardin public ou en proximité avec des arbres. J'aime ne rien faire, ne rien chercher et... trouver par un faux-hasard les "gouttes d'or" que je n'attendais pas. Je pense à la ballade en pleine nature que je vais organiser le week-end prochain et cela me gonfle de joie.
- Je pratique naturellement un Qi Gong de la digestion pour faciliter le transit alimentaire.
- Si j'en ai le temps, je pratique une sieste de 20 minutes qui aide à reconstituer mon énergie vitale stockée dans les Reins (Jing Qi, Yuan Qi), en me disant que je vivrai plus longtemps.
L'après-midi
- Ce n'est pas facile mais chaque fois que j'y pense, je tente de donner avant de recevoir, de voir la qualité dans le défaut, le risque dans la qualité. Pour chaque épreuve que je traverse, je m'oblige à y voir 3 avantages ou bénéfices. Pour chaque réussite, je m'oblige à déceler les 3 risques qu'elle porte.
- En cas de difficulté, je convoque les 6 maîtres de vérité pour trouver de nouveaux points d'accroche aux questions que je me pose et je me demande ce que répondraient mon corps, un arbre, un chien, un enfant, l'amour et un extra-terrestre bienveillant.
- J'essaie au maximum de voir l'opportunité derrière la contrainte ou l'échec. Mes échecs d'apparence et ceux qui m'entourent peuvent m'aider à grandir ou me donner l'idée d'un meilleur "autre chose". On m'a dit que la Tarte Tatin avait été trouvée de cette manière (Vous avez compris que j'étais gourmand).
- Si je dois choisir, je tente de tout rapporter à ma mission de vie (ou à celle de mon équipe), à ce qui m'apporte le plus de sens, d'énergie et de joie. Je tente de trouver ma mission d'incarnation en identifiant mes dons car j'ai compris que la Création nous dotait des aptitudes de notre expédition de vie, le piolet pour la montagne, les espadrilles pour la plage.
- Au pouls de mon corps, j'essaie autant que possible de réunir ce qui me ressource (relations, lieux, musiques, films, lectures, aliments, pensées...) et de m'éloigner de ce qui me vide.
- Je pratique autant que possible l'"agir-juste" si mal traduit par "non-agir", qui consiste à ne pas agir en force mais plutôt avec les "forces en présence", avec "ce qui est là". Je cherche à "être agi", à ralentir pour mieux observer ce que les autres ne voient plus, à préparer au mieux et sans précipitation mes réunions et mes projets pour pouvoir agir en connaissance de cause et sans trembler. Après le mouvement, je me détache des résultats de mon action en tentant d'identifier les points de progrès. En pratiquant ainsi, je n'ai pas de regrets car je sais que j'ai fait de mon mieux lorsque j'ai posé le geste et que je ne peux plus juger l'action passée sur la base de l'enseignement que j'en ai retiré.
- Dans cette idée d'être le plus efficace en déployant le moins d'énergie possible, je délègue et je m'appuie au maximum sur ceux qui savent et ceux qui veulent. J'aime pratiquer le co-développement et le benchmarking qui me font gagner un temps précieux. Je consulte également les réponses que m'apporte l'intelligence artificielle aux questions que je me pose. Je me dis que c'est un progrès car elle me permet de dégager du temps pour moi que je m'efforce de ne pas consacrer à faire autre chose et plus vite encore.
Le retour
- Avant de quitter le bureau, je pratique quelques exercices pour me "vider la tête" afin de me calmer sur le chemin du retour et d'éviter de ramener la "soupe à la grimace" à la maison, de celles qui empêchent d'écouter et qui crispent ses proches.
- Une fois dans les transports en commun, je me sens souvent agressé car je suis fatigué et me sens plus bas en énergie. Je décide souvent de pratiquer quelques exercices d'élimination et de recentrage. Bien utiles, ils me permettent de faire glisser les agressions extérieures (odeurs et saletés ambiantes, regards menaçants, visions déplaisantes...) et les toxines vers la Terre, un peu à l'image de l'eau sur les plumes d'un canard. Je lis ce qui me fait plaisir, j'écoute la musique qui me fait du bien ou bien je ne fais rien... qu'être.
La soirée
- C'est le temps du partage avec ceux que j'aime. Les exercices que j'ai pratiqués me permettent d'être davantage à l'écoute de leur propre journée et de mieux les faire exister.
- Si j'en ai le temps, je peux pratiquer un exercice d'élimination des tensions de la journée ou bien un exercice d'autoguérison et de nettoyage intérieur.
Le dîner
J'essaie de reproduire les bonnes pratiques du déjeuner et du petit-déjeuner. Je me dis que le repas du mendiant du soir n'est pas obligatoire. Je demande à mon corps ce qu'il en pense et décide de l'écouter.
Le coucher, la fermeture du cercle
- Dans le silence de la nuit qui monte et du bilan du jour, je comprends que ma souffrance m'indique ce qu'il me faut travailler. Je comprends également que j'aurais intérêt à travailler la lumière du Sens de ma vie et de l'ouverture de mon Cœur avant de descendre dans la cave de mes ombres et de mes souffrances. Je comprends aussi que l'on devient ce que l'on ose.
- J'essaie de me coucher la tête au Nord aux alentours de 22 heures pour pouvoir me réveiller avec mes amis les oiseaux mais ce n'est pas le plus facile car les tentations sont multiples et parce que j'ai envie de prolonger ce moment de détente, seul ou avec mes proches.
- Après avoir digéré, je tente aussi souvent que possible de me connecter comme dans un rêve à ce "quelque chose de plus grand que moi" qui m'aide à Connaitre, à Aimer et à Créer. Je sais que c'est le temps de l'Eau et de la profondeur, le temps des grandes connexions et du "grand oubli". La vie m'apparaît alors comme un cercle rêvé. Dans le dépouillement de l'exercice, il me revient cette sentence de Lao Tseu qui déclarait que "chaque jour, j'abandonne quelque chose et chaque jour je deviens plus riche".
- Si quelque chose me soucie ou m'interroge, je pose enfin doucement la question avant de m'endormir pour mieux l'oublier et récupérer les réponses au moment du réveil. Mais cela, je crois vous l'avoir déjà raconté.